Algérie-Maroc : cinq minutes pour comprendre la dégradation des relations entre les deux Etats

Algérie-Maroc : cinq minutes pour comprendre la dégradation des relations entre les deux Etats

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Un vent froid souffle entre le Maroc et l’Algérie. Ce mercredi, la présidence algérienne a annoncé qu’elle allait « revoir » ses relations avec Rabat et intensifier les « contrôles sécuritaires aux frontières de l’Ouest », en raison « d’actes hostiles incessants ». Explications.

Au cours d’une réunion extraordinaire du Haut conseil de sécurité algérien, consacrée aux feux de forêt qui ont ravagé le nord du pays et présidée par le chef de l’Etat, l’Algérie a décidé de « revoir » ses relations avec son voisin marocain.

Dans un communiqué délivré ce mercredi, la présidence précise que ce choix a été fait en raison des « actes hostiles incessants perpétrés par le Maroc contre l’Algérie ». Aucune mesure sur ce qu’implique cette révision des relations n’a été dévoilée. Alger a seulement expliqué que les « contrôles sécuritaires aux frontières ouest » allaient s’intensifier. Le Maroc n’a pas réagi dans l’immédiat.

Quel est le rapport avec les incendies ?

Pendant plus d’une semaine, le nord de l’Algérie a été ravagé par plusieurs feux de forêt, qui ont tous pu être éteints. Mais avant cela, les flammes avaient détruit des dizaines de milliers d’hectares de forêts et causé la mort de plus de 90 personnes, parmi lesquelles 33 militaires.

Rapidement, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a affirmé que la majorité des incendies étaient d’origine criminelle. Selon les forces de l’ordre, l’enquête aurait permis de découvrir que le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), une organisation illégale en Algérie et qualifiée de « réseau terroriste », était impliqué, « de l’aveu de ses membres arrêtés ».

Or, selon la présidence algérienne, l’organisation « reçoit le soutien et l’aide de parties étrangères, en tête desquelles le Maroc (…) ». Il ne s’agit que d’une allégation, mais le Maroc a déjà soutenu officiellement l’hypothèse de l’indépendance de la Kabylie. En juillet dernier, l’ambassadeur marocain à l’ONU a fait passer une note, lors d’une réunion internationale, dans laquelle il estimait que « le vaillant peuple kabyle mérite, plus que tout autre, de jouir pleinement de son droit à l’autodétermination ».

A quand remontent les tensions ?

Le problème est en fait bien plus profond et le lien avec les incendies n’est que « le symptôme de relations tendues depuis de longues années », commente Haoues Seniguer, maître de conférences en sciences politiques à Sciences-po Lyon et chercheur à l’ENS. Il y a d’abord eu la guerre des Sables, en 1963, au sujet des frontières entre les deux pays, « qui a laissé des traces », précise le chercheur.

Dans les années 1970 est venue s’ajouter la question du Sahara occidental. « Lorsque l’Espagne, qui colonisait ce pays, s’est retirée, le Maroc a réclamé le territoire. Mais l’Algérie a soutenu le mouvement du Front polisario sahraoui, qui revendiquait l’indépendance du Sahara occidental », retrace M’hamed Oualdi, professeur au centre d’histoire de Sciences-po Paris. Désormais, le royaume du Maroc en contrôle une très large partie. Mais les officiels algériens ont affirmé, à plusieurs reprises, leur soutien explicite aux indépendantistes. En 2018 encore, le président du Conseil de la nation algérien (chambre haute du Parlement) a réitéré, au chef du Front Polisario, le soutien « constant » du pays.

Si la question du Sahara occidental est source de tensions, c’est que les deux pays en ont une vision opposée : « D’un côté, le Maroc – comme la Tunisie – a soutenu l’Algérie dans sa lutte pour l’indépendance et pensait qu’en retour, il y aurait une forme de solidarité et pas d’opposition sur les revendications marocaines concernant le Sahara occidental. De l’autre, l’Algérie se reconnaît dans le combat des Sahraouis pour leur indépendance, qu’elle associe à celui qu’elle a mené au temps de la décolonisation », complète le professeur.

A cela s’ajoute le fait « qu’avec la superficie et les richesses des territoires sahraouis, le royaume du Maroc peut apparaitre comme une puissance rivale de l’Algérie au Maghreb », poursuit M’hamed Oualdi.

Y a-t-il des causes internes ?

S’il s’agit essentiellement de « tensions étatiques » notamment liées à « une lutte d’influence », comme le décrit Haoues Seniguer, il ne faut pas oublier que « l’Algérie connaît une forte période de contestation sociale ». Depuis février 2019, le mouvement du Hirak s’est illustré par des manifestations hebdomadaires.

Et si la pandémie de Covid-19 a donné un coup de frein aux actions des protestataires algériens, la situation sociale et politique n’en est pas moins instable. Face à cela, la réponse du gouvernement « prend la forme d’un reliquat de nationalisme, en montrant que le pays tient la dragée haute face au Maroc », commente le chercheur. Historiquement, « le pouvoir algérien a beaucoup joué sur cette fibre », poursuit-il. Et il le fait encore aujourd’hui.

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